Palais du Quirinal 27/05/2018

Déclaration du Président de la République italienne Sergio Mattarella au terme de l'entretien avec le professeur Giuseppe Conte


Palais du Quirinal, le 27 mai 2018

Après que, dans les deux premiers mois, toutes les solutions possibles ont été tentées, sans résultat, il s'est dégagé - comme on sait - une majorité parlementaire entre le Mouvement 5 étoiles et la Ligue qui, bien qu'opposés lors des élections, sont parvenus à une entente après un grand travail sur le programme.

J'ai favorisé, autant que faire se peut, leur tentative de former un gouvernement.

J'ai attendu le temps qu'ils m'avaient demandé pour trouver un accord de programme et le faire approuver par leurs bases de militants respectives, tout en sachant que j'attirerais des critiques à mon égard.

J'ai accueilli la proposition pour le mandat de Président du Conseil, en surmontant toutes mes perplexités sur un gouvernement politique dirigé par un président non élu au Parlement. Et j'ai accompagné, avec la plus grande attention, le travail de celui-ci pour former le gouvernement.

Personne ne peut donc soutenir que j'ai entravé la formation d'un gouvernement défini comme un gouvernement de changement. Bien au contraire, j'ai accompagné, avec une grande collaboration, cette tentative ; ce qui est, au demeurant, mon devoir en présence d'une majorité parlementaire, dans le respect des règles de la Constitution.

J'avais signalé, tant aux représentants des deux partis qu'au président pressenti, sans recevoir d'objections, que, pour certains ministères, j'aurais porté une attention particulièrement soutenue aux choix à accomplir.

Cet après-midi le professeur Conte - que j'apprécie et remercie - m'a présenté ses propositions concernant les décrets de nomination des ministres que, comme le prévoit la Constitution, je dois signer en en assumant la responsabilité institutionnelle.

Dans ce cas, le Président de la République joue un rôle de garant, qui n'a jamais subi, et ne saurait subir, de contraintes.

J'ai partagé et accepté toutes les propositions pour les ministres, à l'exception du ministre de l'Économie.

La désignation du ministre de l'Économie constitue toujours un message immédiat, de confiance ou d'alarme, pour les opérateurs économiques et financiers.

J'ai demandé, pour ce ministère, un éminent représentant politique de la majorité, cohérent avec l'accord de programme. Un représentant qui - au-delà de l'estime et de la considération à l'égard de la personne - ne soit pas vu comme le soutien à une ligne, affichée à plusieurs reprises, qui pourrait provoquer la sortie probable, voire inévitable, de l'Italie de l'euro. Ce qui est bien autre chose qu'une attitude vigoureuse, dans le cadre de l'Union européenne, pour changer celle-ci en mieux du point de vue italien.

Face à mes sollicitations, j'ai enregistré avec regret une indisponibilité pour toute autre solution et le Président du Conseil m'a remis son mandat.

L'incertitude à propos de la position de l'Italie dans l'euro a mis en alerte les investisseurs et les épargnants, italiens et étrangers, qui ont investi dans les effets publics et les entreprises du pays. La forte hausse du spread, jour après jour, augmente la dette publique et réduit les possibilités de dépense de l'Etat pour de nouvelles interventions sociales.

Les pertes boursières absorbent, de jour en jour, les ressources et l'épargne des entreprises du pays et de ceux qui y ont investi. Elles représentent un risque concret pour l'épargne de nos concitoyens et pour les ménages italiens.

Il faut également prendre garde au danger de fortes augmentations des intérêts sur les prêts et sur les financements aux entreprises. Nous sommes nombreux à nous souvenir de l'époque où - avant l'Union monétaire européenne - le taux des intérêts bancaires avait atteint presque 20%.

Il est de mon devoir, dans l'exercice de la mission de nommer les ministres que m'attribue la Constitution - d'être attentif à la protection de l'épargne des Italiens.

Ainsi, concrètement, la souveraineté italienne est-elle réaffirmée ; alors qu'il faut repousser les jugements inacceptables et grotesques sur l'Italie, parus dans des journaux d'un pays européen.

L'Italie est un pays fondateur de l'Union européenne et elle en est protagoniste.

Les déclarations de ce soir, je ne les fais pas de gaîté de cœur. D'autant que j'ai fait tout mon possible pour faire naître un gouvernement politique.

En faisant ces déclarations, je fais passer la défense de la Constitution et de l'intérêt de la communauté nationale avant tout.

L'adhésion à l'euro est un choix d'une importance fondamentale pour les perspectives de l'Italie et de sa jeunesse. Si on veut en discuter, il faut le faire ouvertement et de manière très approfondie. D'autant qu'il s'agit d'un thème qui n'était pas au premier plan durant la récente campagne électorale.

J'ai été informé de demandes de forces politiques d'aller à des élections rapidement. C'est une décision que je me réserve de prendre, comme il se doit, sur la base de ce qui arrivera au Parlement.

Je prendrai une initiative dans les heures qui viennent.