Palazzo del Quirinale 02/06/2011

Toast du Président de la République Giorgio Napolitano au Dîner d'État à l'occasion des célébrations du 150e anniversaire de l'Unité d'Italie

Mesdames et Messieurs les Présidents et leurs conjoints,
Altesses Royales,
Illustres Invités,
Mesdames et Messieurs,

Je suis certain de représenter le sentiment naturel de tous les Italiens en vous exprimant une profonde gratitude pour le geste d'amitié et d'hommage envers notre nation et notre peuple que vous avez bien voulu accomplir en acceptant l'invitation à participer, aujourd'hui, à Rome, à la célébration du cent cinquantième anniversaire de l'Unité d'Italie.

Et si nous avons souhaité le célébrer avec vous, c'est tout d'abord parce que la naissance de l'État national italien, en 1861, a représenté un fait de grande importance dans l'histoire des mouvements nationaux et des soulèvements pour la liberté en Europe et pour l'évolution des équilibres continentaux. D'où l'importance internationale du succès du mouvement unitaire en Italie : une importance qui se serait ensuite déployée de plus en plus, en atteignant son apogée au cours de la seconde moitié du siècle dernier. En effet, à partir de ce moment-là, l'Italie a su trouver sa place et assumer ses responsabilités au sein de la communauté internationale, notamment en tant que pays fondateur, avec ses principaux voisins, de la construction d'une Europe intégrée et unie.
En témoignent d'ailleurs les propos généreux que nous venons d'écouter du Secrétaire Général de l'Organisation des Nations Unies - que je remercie vivement - Organisation dont les principes et les règles représentent pour nous le cadre suprême de référence. Et permettez-moi de dire que dans la chaleur de la participation de vous tous à cette célébration, malgré les engagements d'un agenda international chargé, nous avons cueilli l'écho d'un mouvement universel de sympathie envers notre pays.Un mouvement de sympathie suscité par les meilleures qualités humaines du peuple italien, par l'élan qui lui a permis de surmonter les épreuves les plus difficiles de son histoire.

Un mouvement de sympathie suscité par l'intérêt, voire l'admiration, qu'inspire depuis toujours dans le monde le patrimoine historique, culturel, artistique et même le patrimoine naturel de l'Italie. L'héritage de civilisation de la Rome ancienne ; le message du Christianisme ; la splendeur de la Renaissance ; la succession, au cours des siècles, de figures extraordinaires de poètes, de savants, d'artistes ; l'épanouissement d'une langue et d'une culture communes bien avant que l'Italie ne s'unifie politiquement en devenant État national : c'est de tout cela que s'est nourrie l'idée d'Italie, en inspirant, dès le début du XIXe siècle, ce processus de luttes pour l'Unité, de tentatives et d'erreurs, de sacrifices héroïques et d'actions politiques clairvoyantes qui prit le nom de Risorgimento et atteignit son but convoité et souffert il y a 150 ans.

Je voudrais vous dire que nous sommes conscients de l'inégalable valeur du patrimoine historique dont nous, les Italiens, sommes les humbles héritiers, et donc de notre responsabilité d'en être les dignes défenseurs et continuateurs. Sans jamais oublier l'ampleur d'horizons, bien au-delà de nos frontières, qui a animé les esprits les plus hautement représentatifs du génie italien. Dante Alighieri, en parlant de lui-même, écrivait au début du XIVe siècle : « Nous qui aimons Florence au point de souffrir injustement l'exil pour l'avoir aimé, avons le monde pour patrie, comme la mer pour les poissons ».

Au cours des 150 années qui se sont écoulées depuis l'unification nationale, l'Italie a parcouru un chemin long et tourmenté. Nous nous sommes efforcés de le reparcourir avec un esprit critique à l'occasion d'un anniversaire aussi solennel, jusqu'à en tirer des raisons de conscience lucide, d'orgueil et de confiance. L'Italie a profondément changé, surtout depuis qu'elle est ressuscitée à une vie démocratique, et qu'elle a réacquis la liberté, l'unité et l'indépendance après les vingt années de la dictature fasciste et la tragédie de la Seconde Guerre mondiale. En devenant une République, nous avons fondé une société civile renouvelée sur les bases solides des principes clairvoyants de la Constitution de 1948. Grâce à un effort collectif extraordinaire de reconstruction, non seulement nous nous sommes relevés des décombres d'une guerre funeste, mais nous nous sommes transformés et rapidement développés en entrant dans le cercle des pays les plus industrialisés et avancés du monde.

Et cependant, nous étions partis de conditions de grave retard, il y a 150 ans. Nombre d'entre vous - Illustres Invités - savent ce qu'a été dans le passé le fleuve de l'émigration italienne : un siècle durant, plus de vingt-cinq millions d'Italiens sont partis, en émigrant dans le reste de l'Europe et dans le Nouveau monde, au-delà des océans, en quittant un pays qui, après l'unification, trop longtemps, n'a pas réussi à offrir des perspectives de travail à un très grand nombre de ses enfants. Ce n'est que depuis près de vingt ans que l'Italie est devenue, en revanche, un pays d'immigration, jusqu'à enregistrer une présence d'étrangers égale à 7% de sa population : dernier signe de la transformation qu'ont connue l'économie et la société italiennes.

Oui, nous avons parcouru un long chemin et fait d'extraordinaires bonds en avant : mais ne sous-estimons pas le poids de problèmes de fond irrésolus, de contradictions non surmontées, de déséquilibres et de tensions persistants dans le tissu économique et social du pays. Ne sous-estimons pas, surtout, la portée des nouveaux défis que l'Italie est appelée à relever, dans une période de changement radical et incessant de la réalité mondiale. Il s'agit de défis que notre pays doit affronter en tant que tel, mais également de défis communs que l'Europe unie et la communauté internationale tout entière doivent savoir relever et gagner ensemble.

Eh bien, l'Italie jouera son rôle: pour faire avancer dans le monde la cause de la paix, des droits humains, de la démocratie, d'un développement économique et social mondial équilibré, équitable et durable. Nous ne cachons pas nos difficultés : mais je suis certain que vous - Mesdames et Messieurs les Présidents, Altesses Royales, Illustres Invités - saurez regarder notre engagement avec amitié et confiance. Avec l'amitié que votre présence ici aujourd'hui nous témoigne ; avec la confiance que mérite l'Italie pour sa longue histoire de pays démocratique, de sujet responsable de la communauté européenne, atlantique et internationale.